J'étais encore à peine bébé quand je suis né.
Issu d'un papa suisse imprimeur et d'une maman française décoratrice, j'ai poussé mon premier cri le samedi 9 janvier 1971, à Zurich, en Suisse.
Les souvenirs de cette période ne se bousculent pas…
J'ai presque trois ans lorsqu'apparaît ma sœur. Bien que nous ayons suivi des chemins différents, nous avons toujours grand plaisir à nous croiser.
Je commence déjà à ne manifester que peu d'intérêt aux relations sociales, au profit de mon monde intérieur.
La barrière linguistique ne fait que contribuer à mon isolement et à mon tempérament peu sociable.
À Zurich, on parle un dialecte germanique et mes parents sont francophones.
La maîtresse nous enseigne la vie en société, avec son système monétaire. Chacun se voit attribuer un mini commerce et de l'ar>gent en plastique… sauf moi, qui suis gentiment mis à l'écart.
Marqué par cette expérience, je comprends que ma place n'est pas au sein, mais hors de la société.
Régulièrement, je me pose les questions suivantes :
L'été, nous emménageons en France, à Lyon, et mes parents se recyclent dans le commerce de vêtements. Après plusieurs années de métier, conscient du pouvoir de l'apparence vestimentaire, mon père déclarera, en guise d'argument de vente :
Je passe mes congés dans la cave du magasin de mes parents, aménagée en bureau. Crayonnant illustrations et définitions dans un gros cahier, je crée mon propre dictionnaire. Exemple :
De grandes passions m'animent, dont la mer, au bord et dans laquelle je passe tous mes étés.
Bien incapable de faire cuire un œuf, j'ai malgré tout la conviction que je deviendrai le plus grand cuisinier du monde, et que le toit de mon restaurant sera orné d'une couronne géante.
Déménagement dans un village à 25 km de Grenoble. La joie d'être à la campagne et de pouvoir grimper tout le temps dans les arbres.
Je crée en bandes-dessinés les aventures de Pouf, mon petit singe en peluche.
Bien que je cherche la compagnie, je reste souvent seul. On se moque de moi, on me frappe. La violence, la méchanceté et l'injustice me répugnent.
Je crée un autre personnage de bandes-dessinés : Froc. Mon nouveau projet d'avenir est donc dessinateur.
Je crée le journal de Froc magazine, que je photocopie et vends au porte-à-porte dans les quartiers voisins.
Je conçois des jeux de société, de A à Z, avec le plateau plastifié, les pions, les cartes, l'argent sur papier couleur…
Depuis mes dix ans, je me passionne pour la musique classique, et rêve de jouer du piano. C'est un saxophone que j'aurais, mais je l'abandonnerais à cause du solfège.
Nous vivons à Grenoble. De nouvelles passions se succèdent : les timbres, les automobiles anciennes, la science-fiction.
Je deviens un fou du guidon. En ville, je slalome à toute vitesse entre les voitures et les camions, sous les yeux effarés des conducteurs.
Au collège, les cours qui nous sont enseignés accroissent mon désintérêt pour les études. Je m'isole dans mes pensées, crée des cartes géographiques.
Découverte du désert du Sahara. Les vastes étendues de dunes de sable me fascinent.
Premier baiser, premier plaquage, première déception. Bienvenue dans le monde douloureux des sentiments amoureux !
Après deux années de 4e, j'effectue deux années de 3e. Pour éviter de re-tripler la 3e, j'entre dans une école privée de graphisme, qui ne m'épanouira guère mieux.
Frustré par un monde où je ne trouve pas ma place, je me laisse moisir dans les bars enfumés.
Service militaire en Allemagne, dans un mess (hôtel des officiers). Extrait de mon journal de bord, une soirée type :
Mes grandes ambitions à cette période : sexe, alcool et fumette.
Retour en Suisse. Je deviens “vendeur de poison” (barman) dans des pubs où l'alcool coule à flots. J'imagine alors qu'il n'existe rien de mieux que la fête.
Découverte du monde féerique des rave parties. De 100 % musique classique, je passe à 100 % techno trance acid. J'éprouve la sensation d'exister dix fois plus.
J'explore les extrêmes. Dans la frénésie de ces nuits folles, je fais connaissance avec un puissant hallucinogène ; le LSD. Je ne vis plus que pour ces soirées aux sensations mentales indescriptibles.
Mes expériences psychotiques me suggèrent que l'univers est régi par des lois naturelles et que tout s'imbrique dans une parfaite logique. Cela débouche sur la forte intuition que la vie est une grande énigme à résoudre afin d'échapper à l'insatisfaction continuelle, et que ces choses ne sont pas connaissables par les sens ordinaires. Toutefois, mes réflexions se noient encore dans un océan de fausses idées.
Ceux qui m'entourent ne parviennent pas du tout aux mêmes conclusions, ce qui ne contribue qu'à m'isoler de plus belle.
Ces expériences se font immensément fructueuses lorsque je reste immobile. Toutefois, l'année d'après, percevant leur limite et préférant éviter les conditionnements artificiels, j'y mettrais un terme. De plus, une drogue, même “douce”, demeure nocive pour l'organisme.
Dans le train, j'entends parler pour la première fois d'un certain Bouddha (pas d'internet à l'époque, et je ne lisais pas).
C'est un tournant radical dans mon existence. Un livre m'apprend ce qu'est et ce qu'apporte la méditation. Il m'explique aussi le principe du karma, la loi naturelle de causes et effets.
Les seules choses dont j'avais entendu parler avant, c'était de lévitation et de planche à clous (Tintin). Pour le reste, j'avais seulement une intuition forte qu'il devait y avoir “quelque chose” derrière “tout ça”.
Dès lors, grâce à ce livre, je laisse tout aller, je laisse faire la nature. J'essaie de développer la bienveillance en toute situation. Bien sûr, parfois, je médite, mais c'est dur, surtout après avoir fumé un cône !
Souvent, je change de lieu, mais réside surtout en Haute Provence. Nous fondons avec un ami l'association Bien pour tous, pour aider les sans-abris, et nous sommes les “cordonniers les plus mal chaussés”.
Puis retour en Suisse, à Lausanne, où je poursuis ma vie de SDF. Quitte à tourner en rond, me dis-je, autant le faire sans stress et en gardant son temps libre.
Tout en survivant de la vente de journaux pour sans-abris, je m'installe avec une petite amie qui sera ma dernière. Je m'enivre encore un peu, mais entretiens désormais un comportement honnête.
Avec mes économies, j'organise une rave au cœur de Lausanne, avec l'idée de gagner de quoi partir m'installer au Tibet, mais cette soirée me ruine.
Naissance de ma fille. Sa maman l'avait tant désirée, bien qu'elle savait mon départ proche pour l'Asie avec “un aller simple”.
Je m'intéresse au Zen, dont l'aspect “direct et dépouillé” me plaît.
Par courrier, un ami m'apprend qu'il y a en Birmanie un centre où l'on peut méditer à longueur de temps, sans avoir à se soucier de quoi que ce soit.
Je ne tarde pas à m'y rendre et j'apprends qu'on y pratique en conformité avec les instructions délivrées par Bouddha.
Ma première retraite de méditation intense. Une profonde expérience : L’arrivée en Birmanie (1er chapitre sur une quinzaine)
Dans ce vaste centre ombragé, je m'adonne non-stop et 4 mois durant à une méditation de l'attention. La lucidité s'accroît, les idées fausses tombent comme des feuilles mortes.
De retour en Suisse, des attachements demeurent, je retrouve compagne et bébé. J'espère pouvoir concilier la vie de famille avec la méditation, mais c'est un échec. Scènes de ménage quotidiennes, hurlements incessants de la petite… Tout me pousse à m'enfuir.
L'été, je m'offre une traversée de la France à pied, en solitaire, sans un sou, du Nord au Sud (1550 km en 41 jours). Une merveilleuse expérience !
Ensuite, retour en Birmanie pour une plus longue durée.
Pendant une retraite intensive de 10 mois, j'intègre la communauté monastique bouddhiste (le 12.04.98), car cela m'offre des conditions optimales pour progresser sur la voie du renoncement.
Ensuite, étude détaillée de la discipline monastique, puis de la langue birmane.
Projet de réaliser un site Web pour enseigner le dhamma. Lors d'un séjour en région parisienne, j'apprends l'informatique en autodidacte. Avant de retourner en Birmanie, je reçois un vieil ordinateur portable (écran 10 pouces, 64 Mo de mémoire vive et un disque de 700 Mo). Une aubaine qui me permettra d'élaborer la première ébauche du futur site dhammadana.org.
Traduction d'un épais ouvrage sur la discipline monastique, compilation d'un dictionnaire birman-français.
Infection par le paludisme.
En France, dans un couvent cingalais, puis un cambodgien, où je conduis quelques retraites de méditation.
Publication en ligne de l'ouvrage monastique Le manuel du bhikkhu, qui sera traduit en anglais.
Participation en tant que personnage principal à un film documentaire à propos de mon renoncement, diffusé sur Arte (tourné à Paris, mais surtout en Birmanie) : L'école de la forêt, mais pour des raisons d'audimat, la chaîne impose un autre titre : Paris-Rangoun, métamorphose d'un SDF.
De retour en Birmanie, je m'installe à Mandalé.
De mes traductions, je publie deux livres en ligne, l'un sur des enseignements de méditation, l'autre sur la discipline monastique.
Publication en ligne de trois autres livres ; sur la vie de Bouddha, sur les retraites de méditation, et Les 13 pratiques ascétiques.
Je découvre et m'installe dans une école pour pauvres accueillant des milliers d'enfants ! Je bénéficie d'une connexion internet, instable et censurée, mais je peux enfin communiquer avec l'Europe et effectuer mes mises à jour.
Avec un ami de longue date, nous créons une section cuisine dans la grande école de Mandalé, en construisant un four. Le petit resto est ouvert à tous, et c'est le client qui fixe le prix, selon ses moyens et sa satisfaction.
J'enseigne quelques matières aux jeunes Birmans (informatique, dessin, langues).
Publication en ligne de L'itinéraire d'un renonçant, mon autobiographie (version détaillée, mais s’arrête en 2005).
Voyage au “pays de Candy”. Pendant ce séjour, je crée un blog pour le raconter : Un moine français au Japon.
Préparation d'un site sur le dhamma pour les enfants : dhammadana.fr. Direction d'une retraite de méditation en Belgique.
Réalisation de mon premier long-métrage : Délivrance tourné à Genève et en Birmanie. Atterrissage à Yangon (avec ma caméra et mes 18 cassettes vidéo) pendant les manifestations réprimées par les tirs de l'armée. L'avion (presque vide) manque un crash de justesse.
Publication en ligne de la nouvelle La porte de sortie.
Séjour en Malaisie, retour en Birmanie. Un producteur vend mon film (à mon insu) dans toute la Birmanie.
Mise en ligne d'une nouvelle : Maya la renonçante.
Départ pour un isolement dans la forêt pour une retraite de méditation de deux ans. Je découvre la méditation sur le calme.
Temps passé à essayer de focaliser mon attention sur le souffle, et à me soigner de la tuberculose.
En sortant de cette longue retraite, je quitte la communauté monastique pour devenir ascète (le 10.10.10). Cela répond à un besoin de totale indépendance. Ma pratique reste toutefois la même.
En France, à Grenoble, pour l'année. Publication en ligne du roman Un enfant sur la Lune.
Retour dans le bain de la méditation, dans plusieurs monastères en Birmanie.
Réalisation de mon 2e long-métrage : Le Grand Héritage.
Méditation en solitaire dans une grotte naturelle durant 45 jours.
Publication en ligne du roman semi-biographique L'effet ricochet.
Acteur dans le film Tout un monde lointain, qui ne sortira en salles qu’en 2017 (je n’ai jamais eu l’opportunité de voir ce film).
Réalisation de mon 4e long-métrage : Le goût du Dhamma, où j'endosse un rôle (celui de l’ascète !).
Enseignement aux enfants.
Un vent de ras-le-bol général (envers la vie citadine) commence à souffler fort.
Départ pour une retraite de méditation en solitaire dans différents monastères.
Je reprends la robe monastique pour un temps, lassé par le regard et les critiques des Birmans, qui associent mon apparence à une personne dérangée, voire dangereuse.
Une toge couleur brique et un coup de rasoir, et tout le monde me traite comme un prince, se prosterne avec le plus grand respect, alors que je pourrais bien être un mafioso. Papa avait raison : « L'habit fait le moine ! » Dans le regard des autres, en tout cas.
Récit à lire : Monastory
Publication en ligne du roman La fillette et l'ascète. Nouvelle longue retraite de méditation. Je m'enracine dans un petit monastère à Tathon (au sud-est de la Birmanie). Les conditions y sont paisibles, et s'y trouvent quelques occidentaux ; moines et nonnes.
Alternance entre méditation, lecture, écriture et réflexion. Je commence à travailler sur dhamma.free.fr : les textes, le code, le graphisme…
Escapade pendant la saison des pluies.
Récit à lire : Moine en escapade
Mise en ligne de dhamma.free.fr et écriture des derniers articles. Puis, dès le 1er mai, replongée dans l'instant présent.
Méditation intensive
Création du Blog d'isi Dhamma (l’ancien)
Toujours ascète dans l'âme, mais retour à un déguisement plus naturel : pantalon, cheveux…
Retour en Europe. Tour de Suisse à vélo
Écriture et préparation d'un long métrage.
Méditation dans un appartement suisse.
Fondation de notre "super TikTok" et création – à distance – de nombreuses vidéos courtes humoristiques (en birman) : dhamma.p (TikTok).
Retour en Birmanie, à Mandalé.
Réalisation de mon 5e (et dernier) long-métrage, N’espère rien !, qui conduira toute l’équipe du film séquestrée par les militaires, puis jetée en prison, à cause d’une scène mal interprétée par le gouvernement.
Séjour de 14 mois dans la prison centrale de Mandalé, suivi d’une expulsion hors du pays. Adieu la Birmanie ! N’ayons pas d’attachements !
Retour forcé, donc, en Suisse, où je décide de maintenir les 10 préceptes monacaux de base, ce qui inclut de ne pas posséder ni utiliser un seul sou.
Création de ce présent blog :
adoptez quelques conseils ludiques !
(À suivre...)